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Arrêter le maïs en production laitière et valoriser uniquement les prairies naturelles : ça a sauvé notre ferme !

La ferme de la Métairie Basse, dans le PNR du Haut-Languedoc

Delphine Gay-Vabre et David Gay sont éleveurs à la ferme de la Métairie Basse à Saint-Amans-Soult, dans le Parc naturel régional du Haut-Languedoc. Ils élèvent un troupeau de 25 vaches de race Abondance en production laitière Biologique sur 45 ha de prairies naturelles, transforment et vendent en direct une partie de leur production.

25 vaches laitières
de race Abondance

22,5 ha
fauchés

100 000 l/an
livrés à la coopérative

350 balles consommées/an
250 produites sur la ferme

20 000 l/an de lait Bio
transformés

290m
d’altitude

45 ha
de prairies naturelles

Pluviométrie :
1048 mm

Leurs débuts

Delphine et David sont originaires de la région. Ils ont réalisé tous les deux un BTS Productions Animales à Castelnaudary et un stage dans la coopérative Jeune Montagne sur le plateau de l’Aubrac. Ils ont ensuite vécu 4 ans en Savoie et se sont ainsi attachés à la race Abondance. Delphine travaillait dans la fabrication d’emmenthal. Ils déménagent ensuite au nord de Toulouse ou Delphine assurera la transformation de la production laitière d’un troupeau de 140 chèvres pendant 4 ans.

L’installation

Ils cherchent ensuite à s’installer et trouvent une ferme de 40 ha en brebis laitières dans l’Aveyron. Ils démissionnent de leurs emplois respectifs et déménagent. N’étant finalement pas prêt à céder son exploitation le propriétaire fait marche arrière au dernier moment. Delphine et David n’abandonnent pas, tout en faisant des petits boulots, ils continuent à chercher une ferme pour s’installer.
C’est à Saint-Amans-Soult qu’ils posent leurs valises et s’installent sur des terres appartenant à la commune. La ferme est alors une exploitation laitière de Prim’Holstein basée sur la culture du maïs. En 2005, ils achètent matériel et troupeau avec le projet de se lancer dans la transformation de leur lait.

Des premières années difficiles

Durant les premières années, ils conservent le système de leur prédécesseurs (ensilage maïs, 40 vaches laitières, 280 000 litres de quotas). À ce moment-là, le couple avait des emprunts, 22 000 € d’annuités, 65 000 € de factures impayées et un compte d’exploitation à -12 000 €. À cela, se sont ajoutés la sécheresse, la baisse du prix du lait et beaucoup de frais CUMA et vétérinaires. Avec 3 enfants, Delphine et David travaillaient comme des acharnés mais la ferme ne parvenait à aucune autonomie.

Le déclic ?
Un épuisement total et une détresse financière

«Si on ne prend pas un virage
pour réaliser notre projet de vie,
ce seront les huissiers qui vont décider !»

Sur le point de craquer, ils prennent une décision radicale, En 2009, ils vendent toutes les machines et 100 000 litres de quota laitier mais il restait encore des factures impayées et le compte de l’exploitation était toujours dans le rouge.
Comment faire pour s’en sortir ? Suivre les conseils que certains techniciens leurs donnaient ? Acheter du soja, poursuivre le maïs et l’ensilage, acheter des céréales, faire de la ration sèche, augmenter le nombre des reproductions ? Alors qu’en parallèle le lait produit ressemblait à de l’eau et était payé une misère… Cela ne convenait ni à leur envie ni à leur philosophie.

«L’expérience du système maïs
était enrichissante mais elle nous a permis d’en voir les limites.
Pour une succession hors-cadre familial,
ce système conduit droit au suicide.
Quand je vois un jeune qui se dirige vers ça, ça me fait peur.»

Tout changer pour s’en sortir !

Seul un conseiller les a encouragés à se relancer, à suivre leur envie, pour changer le système de la ferme du tout au tout ! De 2011 à 2015, ils ont implanté progressivement des prairies multi-espèces, puis ont complètement arrêté de travailler les terres.

«Les prairies on ne les touche plus !»

En 2009, ils achètent un lot de génisses Abondances qui passeront en BIO en 2011 et bricolent un local de transformation sous la maison. Les dettes s’épurent petit à petit.

«On serait partis d’entrée dans ce système, on serait rentables aujourd’hui, mais on traîne encore un boulet de 20 000 € de dettes, liées à notre poursuite dans le système maïs»

Pour les éleveurs, Il reste des marges d’amélioration, l’idéal serait d’être 100 % autonome concernant la production de foin sur la ferme. Pour l’instant, ils achètent encore 100 balles de foin par an, soient 5 000 €, pour garantir plus de souplesse. Ils constatent également que la valorisation du lait par SODIAAL leur coûte de l’argent globalement, mais elle leur permet de garder une certaine souplesse sur l’organisation liée à la transformation.

Une pratique de pâturage adaptée

Delphine et David sont conscients que c’est la façon de gérer leur pâturage qui va influencer et faire évoluer la flore de leurs prairies. C’est pour cela qu’ils ont opté pour un pâturage tournant pour permettre ainsi à leurs parcelles de se régénérer.
Les vaches restent à l’intérieur de fin décembre à fin février, 22,5 ha sont conservés pour la fauche. Ils seront déprimés par le troupeau entre fin février et mi-avril pour retarder les foins. A partir de la mi-juillet, les 20 ha en continuité sont découpés en 5 parcelles de 4 ha sur lesquelles les vaches vont progressivement pâturer les repousses jusqu’à fin août. Les autres parcelles sont en pâturage libre le reste du temps et jusqu’à fin décembre. 38 ha sont répartis autour de la ferme avec de nombreux points d’eau ce qui permet cette organisation. Du foin est apporté en août en complément.

«La vie est plus facile à partir d’avril,
on a la traite 2 fois par jour
mais on a la qualité de vie à côté.»

L’intérêt économique du pâturage

Depuis que la ferme est passée à un système de pâturage extensif, plusieurs postes de dépenses ont été réduits. C’est le cas de la mécanisation qui a été réduite à son strict minimum (un tracteur) et une facture CUMA aujourd’hui à 2 000 € par an (épandeur à fumier) contre 12 000 € il y a quelques années. Pour la fauche et la mise en andins, ils font appel à un prestataire.

«C’est moins de stress, moins de charge mentale.
On ne verra plus d’ensileuse
ni de charrue sur l’exploitation !»

Aujourd’hui, la ferme réalise également d’importantes économies sur les frais vétérinaires. Le choix de la race Abondance réduit fortement les problèmes de vêlage et est plus adaptée au pâturage. La qualité de vie du troupeau induite par la pratique pastorale (eau, haies, ombre, espace, alimentation…) diminue de façon importante les maladies et les pertes. Avec l’arrêt de l’ensilage, c’est aussi la disparition des problèmes liés à l’ingestion de corps étrangers par les vaches.

«Ça fait 2 ans qu’on n’a aucune mortalité»

Delphine se forme également à l’homéopathie et l’utilise de plus en plus. Elle précise qu’il faut très bien connaître ses animaux pour que cela soit efficace. Elle l’utilise surtout en préventif mais aussi parfois en curatif.
Les vaches qui quittent l’élevage aujourd’hui sont mieux valorisées. Elles sont vendues pleines à d’autres élevages (1100 € contre 700 € en réforme).

«C’est plus en accord
avec notre philosophie d’élevage.
Moralement, c’est mieux.»

La transformation et la vente directe

C’est Delphine qui s’occupe de la transformation. À la ferme de la Métairie Basse, il faut 7 à 8 litres de lait pour faire 1 kg de fromage, ce qui est plutôt un bon rendement (en moyenne on compte 10 litres pour 1 kg). Le rendement fromager est optimum après la mise à l’herbe car celle-ci rééquilibre l’écart entre les taux. Ici, les éleveurs observent que les prairies naturelles font remonter le taux protéïque de 33 (en début de printemps) à 37 ce qui le rapproche du taux butyreux à 42 et améliore le rendement fromager. Sur une année, 20 000 litres de lait sont transformés en fromage et 100 000 litres récoltés par SODIAAL. L’objectif de la ferme est de transformer une plus grande proportion de leur production pour mieux la valoriser et avoir plus de souplesse sur les quantités de lait à produire au total.

«On ne peut pas faire de la qualité
et de la quantité : on privilégie la qualité.»

Jusqu’à maintenant, le facteur limitant était le laboratoire de transformation. La mise en place d’un nouveau local il y a quelques mois leur apporte de nouvelles perspectives. Prochainement, la nouvelle cave d’affinage et le magasin à la ferme seront terminés. Delphine et David pourront transformer et valoriser une plus grande quantité de leur lait en vente directe. La demande est loin d’être saturée localement. Pour le moment, les fromages sont vendus sur les marchés principalement, à la ferme et ponctuellement à la cantine d’un lycée tout proche.

Et pour la suite ?

D’ici 5 ans, le couple souhaite réduire la taille du troupeau à 15 vaches. Les veaux mâles ne seront plus vendus à 3 semaines mais vendus sevrés à 6 mois à des maquignons ou des bouchers. Les velles seront conservées pour le renouvellement ou vendues à d’autres éleveurs puisque l’élevage est conduit en race pure. La production de lait passera alors à 75 000 litres annuels : 30 000 litres seront consommés par les veaux et 35 000 litres seront transformés. Delphine et David veulent acquérir en complément une douzaine de Chèvres de Savoie, une race laitière à faible effectifs pour contribuer à sa sauvegarde. Leur lait serait également transformé. L’objectif sera de conduire le troupeau mixte sur les parcelles, sans distinction entre les bovins et les caprins : au printemps en pâturage tournant puis en pâturage libre le reste de l’année. Ces changements doivent permettre de se libérer de la contrainte d’achat de fourrage.