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La ressource pastorale en été

Comment sécuriser la ressource pâturée de son troupeau en été ? Dans le Morvan, les éleveurs se réunissent pour partager leurs expériences.

« Le Morvan, c’est vert toute l’année ! » pouvait-on entendre, « il pleut même l’été ! ». Pourtant, cela fait 2 ans que les habitants de ce territoire connaissent d’importantes sécheresses et canicules. En 2019, pas une goutte de pluie n’est tombée entre juin et mi-septembre. Les éleveurs de la région doivent faire face à cela. Leurs systèmes d’élevage reposent en bonne partie sur le pâturage de prairies permanentes et lorsque ces sécheresses inhabituelles sévissent, la ressource des prairies a vite tendance à disparaître. Alors, beaucoup doivent entamer leurs stocks de fourrages pour apporter quotidiennement paille et foin à leurs animaux.

Un groupe d’éleveurs qui a envie de mieux savoir gérer et valoriser la ressource pastorale

En avril 2019 , dans le cadre du projet « Agroécologie et milieux ouverts herbacés » conduit par le Parc naturel régional du Morvan, un petit groupe d’éleveurs s’est rencontré, pour avancer ensemble sur des techniques de pâturage qui permettent de valoriser les végétations semi-naturelles de leur territoire. Leur travail part de l’envie de savoir gérer sereinement cette ressource spontanée et diversifiée, pour nourrir leurs animaux et remplir leurs objectifs de production tout au long de l’année, ceci essentiellement à travers le pâturage. Pour cela, ils s’appuient sur la démarche « Pâtur’Ajuste », qui repose sur une méthode, des outils, des connaissances scientifiques et des expériences d’éleveurs.

sécheresse et ressource pastorale en été

Une nouvelle rencontre du groupe en septembre, pour partager des expériences autour d’un thème précis : sécuriser la ressource estivale

Au mois de septembre, les éleveurs ont décidé de se réunir une nouvelle fois pour partager leurs expériences autour d’une question précise : « comment sécuriser la ressource estivale ? ». Chacun a pu faire part des stratégies mises en œuvre sur sa ferme pour s’en sortir. C’est donc l’occasion pour les participants de repartir avec des idées et des techniques pour mieux préparer l’été sur sa propre ferme. Jérôme, Marion et Chloé, qui ont accueilli cette rencontre, nous ont raconté leurs expériences.

Les stratégies de Jérôme, Marion et Chloé pour faire face à un été sec

Chez Jérôme et Marion, la spécialisation parcellaire, le report sur pied et… l’éducation des animaux !

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La spécialisation parcellaire en fonction des saisons

Jérôme et Marion, éleveurs d’une douzaine de vaches laitières et de quelques vaches allaitantes, ont fait le choix d’affecter une fonction saisonnière bien précise à chacune de leurs parcelles : certaines sont dédiées à nourrir les bêtes au printemps, en période de pousse de l’herbe, d’autres en été, quand la pousse s’arrête et certaines assurent la transition entre les deux. Et pour chaque saison, la pratique de pâturage est adaptée !

Au printemps, on vient faire pâturer de l’herbe jeune et on réduit la taille des parcs pour motiver les animaux à ne pas trop trier. Cela permet de passer rapidement sur chaque enclos et de laisser le temps aux plantes de refaire leurs réserves entre chaque passage. Pendant ce temps, sur les zones humides dédiées à alimenter le troupeau en été, l’herbe a tout le temps de pousser : le « stock d’herbe sur pied » est en train de se fabriquer.

A l’arrivée de l’été, les vaches entrent sur ces zones, où elles ont a disposition une herbe haute constituée de plantes qui poussent lentement et gardent ainsi une bonne valeur alimentaire plus longtemps. C’est ce qu’on appelle de l’herbe en report sur pied. Petit point botanique : Jérôme et Marion ont bien identifié ces plantes spécifiques qui gardent des tissus photosynthétiques longtemps et même en cas de fortes chaleurs et de sécheresse. Dans leurs parcelles, ce sont les joncs, les scirpes des bois, les lotiers des marais, la molinie… qui, en été, au lieu de sécher et partir en poussière comme le feraient certaines plantes qu’on trouve souvent dans les prairies, gardent une bonne valeur alimentaire.

L’éducation du troupeau

Et si on leur demande si leurs vaches apprécient cette ressource peu habituelle. Jérôme et Marion vous répondent : « pas de soucis ! Nos vaches sont confrontées dès le plus jeune âge à cette diversité de plantes et ont appris à consommer tout ce qui leur passe sous le nez. ». Cette éducation alimentaire est un point à ne pas négliger si on veut réussir à valoriser les végétations naturelles dans toute leur diversité.

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Pour Chloé, la ressource ligneuse et la motivation des brebis au pâturage

La ressource ligneuse

A une vingtaine de kilomètres de là, Chloé élève des brebis pour faire de la viande d’agneaux, des savons et des produits en laine. Pour elle, pas question de compter sur les zones humides pour nourrir ses bêtes en été, car elle n’en a pas. Par contre, c’est la ressource ligneuse qui, après le printemps, prend le relais des prairies. Chloé profite de la broussaille (ronces, genêts …) qui se développe sur ses parcelles pour alimenter ses brebis pendant le mois de juillet. En août, elle les emmène dans des parcelles de sous-bois, où les brebis se nourrissent principalement de feuillages de chênes, de houx, de genêts, de hêtres… Aujourd’hui, elle a confiance en ses brebis et en leurs capacités à valoriser toute cette diversité de végétations. Elle est capable de se servir de cette hétérogénéité pour satisfaire les besoins de son troupeau à différentes périodes de l’année.

« L’année dernière j’ai vraiment mal vécu la sécheresse, je ne trouvais pas vraiment de solution quand l’herbe a commencé à disparaître sur les prairies. Cette année s’est beaucoup mieux passée parce que j’ai prévu en amont les parcelles de secours qui allaient me servir pendant l’été. J’ai pu nourrir tout le monde à moindre frais »

Mettre en appétit et motiver les brebis au pâturage

Au mois de septembre, les brebis sont mises à la reproduction et, pour cela, retournent sur les prairies. Mais les repousses d’automne n’ont pas encore démarré et le troupeau doit se contenter d’une herbe sèche et pailleuse. Au départ, Chloé a remarqué que ses bêtes mangeaient très peu : elles se lassaient vite de cette ressource assez peu appétissante et diversifiée. La stratégie de Chloé a donc été de «briser l’ennui » pour motiver ses brebis au pâturage. Pour cela, elle distribue chaque matin un bon foin vert et feuillu en quantité limitée. Le rôle de ce foin n’est pas vraiment de nourrir les animaux mais plutôt de les mettre en appétit pour pâturer l’herbe pailleuse des prairies. Il apporte également ce qu’il faut à l’estomac pour digérer la fibre contenue dans cette herbe. Les brebis et les béliers ont donc ce qu’il leur faut en attendant l’arrivée de l’automne.

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N’hésitez pas à consulter la page projet du PNR du Morvan pour en savoir plus !